
Dire « iel » ne suffit pas à garantir l’inclusivité d’une conversation. L’accord des adjectifs, le choix des pronoms et la formulation des questions produisent souvent des hésitations, des maladresses ou des incompréhensions, même chez les locuteurs les plus attentifs.
Intégrer de nouveaux réflexes linguistiques et adopter ces codes émergents n’a rien d’accessoire. C’est une habitude qui s’impose à celles et ceux qui prennent au sérieux la question de la place de chacun dans le langage. Mieux accueillir, cela demande de mettre de côté ses réflexes, d’accepter d’être parfois bousculé, et d’ajuster son expression dans un contexte en perpétuelle mutation.
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Pourquoi parler à un iel change la donne dans nos échanges quotidiens
Utiliser le pronom « iel » change plus qu’un mot dans la phrase. Ce terme brise l’automatisme du binaire, il redistribue la parole. « Iel », ce n’est plus simplement une option supplémentaire, mais la reconnaissance d’un vécu ignoré jusque-là. Celles et ceux qui n’entraient dans aucune des cases auparavant gagnent une nouvelle visibilité, une légitimité rendue concrète par un mot entendu, repris, enfin intégré dans la conversation.
Le choix d’une langue inclusive relève d’une démarche d’ouverture, et pas simplement d’une coquetterie linguistique. L’écriture inclusive va au-delà de l’effet de mode. C’est un catalyseur : elle questionne, secoue les habitudes, met en lumière ce qui était systématiquement invisibilisé. Élaguer le discours des stéréotypes donne enfin droit de cité à toutes celles et ceux que la norme reléguait à la marge.
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Échanger avec un iel, c’est s’apprêter à écouter autrement, à remettre en cause son cadre de référence. Cette évolution du langage est à la fois le miroir et le moteur de changements sociaux réels. Entreprises, institutions, groupes militants… adopter cette démarche, c’est affirmer clairement sa volonté de compter chaque personne.
Ce qui distingue ces pratiques ? Voici ce qu’elles apportent réellement dans les usages :
- Le langage inclusif dépasse l’écrit : il s’exprime à l’oral, avec des structures revisitées.
- La communication inclusive place chacun sur un pied d’égalité, sans dissocier les identités de genre, ni éclipser l’âge, l’orientation ou le handicap.
- Dire « iel » ne relève pas du détail : c’est une prise de position, celle qui rend visibles les minorités de genre et signe le respect.
Quels obstacles rencontre-t-on face à la communication inclusive ?
La langue inclusive suscite débats et crispations. Sur le terrain, les difficultés sont multiples : blocages linguistiques, freins sociaux et résistances institutionnelles. On pointe souvent la lisibilité comme le caillou dans la chaussure. Le point médian, pensé pour visibiliser toutes les identités, met certains lecteurs à l’épreuve : personnes dyslexiques, en situation de handicap, enfants apprenant à lire… C’est l’un des paradoxes à repenser : l’outil censé accueillir risque d’écarter.
Au niveau institutionnel, la résistance porte la marque des grands mots. L’Académie française n’a de cesse de prédire un naufrage linguistique. Les hauts responsables politiques, Emmanuel Macron, Jean-Michel Blanquer, Édouard Philippe, ferment la porte l’un après l’autre. Depuis 2017, la langue des textes officiels s’est verrouillée. Depuis 2021, l’école doit ranger ces pratiques au vestiaire. Les débats parlementaires, notamment au Sénat, entérinent ces blocages par des projets de loi.
Dans l’espace public, la ligne de fracture est nette. La gauche (LFI, EELV, PCF, PS) défend une vision égalitaire de la langue inclusive. À droite (LR), c’est la complexité et le risque d’exclusion qui sont mis en avant. Rendre visible la pluralité gêne parfois l’apprentissage, particulièrement pour les publics fragiles ou les enfants qui découvrent la lecture.
Voici ce qui freine concrètement la progression de ces usages :
- Accessibilité : face à la diversité des lecteurs, tout le monde n’a pas les mêmes facilités à s’approprier ces nouveaux codes.
- Polémiques politiques et linguistiques : les débats restent vifs et la législation évolue de façon restrictive.
- Lisibilité et complexité : quand l’écriture devient trop technique, le message peut se brouiller.
Des conseils concrets pour s’adresser à un iel avec respect et naturel
L’écoute avant tout. Demander simplement le pronom souhaité ne coûte rien, mais cela marque la différence. Si la personne tient à « iel », ne discutez pas : appliquez-le sans retour, ce choix traduit autre chose que des préférences grammaticales.
Au quotidien, privilégiez des formulations neutres comme « collègue », « membre de l’équipe » ou « personne ». Afficher la féminisation des métiers ou opter pour la double flexion (« étudiant·e·s », « celles et ceux ») permet d’élargir la portée du message. Le point médian fait partie des outils disponibles : rien n’impose de le généraliser, adaptez-vous au contexte, préférez la clarté si besoin. À l’oral, des variantes comme « celleux » ou la reformulation comptent. La créativité, ici, sert l’inclusion, comme le rappelle la linguiste Laélia Véron.
Pour naviguer sereinement au sein de ces pratiques, adoptez quelques réflexes :
- Pensez avant d’attribuer un genre, même dans les discussions informelles.
- Une maladresse ? Excusez-vous brièvement et poursuivez sans dramatiser.
- Maintenez une cohérence dans vos échanges, le langage inclusif doit rester visible et assumé à chaque occasion.
Des ressources comme celles proposées par Charlotte Marti sur Instagram ou la newsletter « Visibles » de Léa Niang confirment que la communication inclusive se construit de façon évolutive, à l’écoute des personnes et des circonstances. Moduler son langage selon le contexte, intervention publique, message officiel ou simple échange, demeure la clé. Jouer sur la souplesse, c’est ne pas sacrifier la lisibilité au nom de la bonne intention.
Ressources et repères pour aller plus loin dans l’inclusivité
Développer une vraie aisance en langage inclusif, cela s’apprend, et il existe des outils pour progresser, guides, collectifs et initiatives en tous genres. Le Haut conseil à l’égalité propose un guide pour rédiger sans stéréotype de sexe, très utilisé dans les administrations et les institutions. Certains manuels scolaires Hatier incluent l’écriture inclusive dès le collège, tandis que de plus en plus d’universités sensibilisent enseignants et étudiantes et étudiants à ces enjeux.
Du côté des associations ou des agences de communication, on trouve de nombreux exemples inspirants : la série Dove « Real Beauty », la campagne Nike « Be True », ou le projet #AerieREAL valorisent la diversité corporelle et visent aussi l’inclusion des minorités de genre. Les messages et les images avancent ensemble, pour rendre visibles les personnes en situation de handicap, toutes origines ou âges confondus.
Pour que votre communication soit vraiment inclusive, soignez aussi l’aspect visuel : choisissez des photos, des illustrations fidèles à la diversité des visages, des parcours, des identités et des situations. Pour ceux qui souhaitent aller plus loin dans la réflexion, les travaux de Laélia Véron ou de Jean-Marie Klinkenberg éclairent les aspects sociolinguistiques et les points d’évolution possibles. Chaque démarche, chaque tentative nourrit un langage vivant, adapté à une société où personne ne reste hors-cadre.