Pourquoi cette ville est considérée comme la plus dangereuse de France

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À Marseille, le taux de criminalité enregistré en 2023 dépasse de 43 % la moyenne nationale, selon les données du ministère de l’Intérieur. Pourtant, ce classement varie fortement selon les indicateurs retenus, oscillant entre faits objectifs, ressentis locaux et choix méthodologiques.Certaines villes concentrent une part disproportionnée de médiatisation négative, tandis que d’autres, aux chiffres comparables, échappent à ce qualificatif. Ce contraste interroge la construction des perceptions de la sécurité urbaine et la manière dont elles influencent les classements officiels comme les discours publics.

Ce que recouvre vraiment la notion de “ville dangereuse” en France

Parler de ville dangereuse en France, ce n’est jamais s’en tenir à une liste de chiffres. Les statistiques de la délinquance publiées par le ministère de l’Intérieur, la police nationale ou la gendarmerie constituent une base, mais elles ne captent qu’une partie de la réalité. D’autres acteurs, comme Ville-Data ou Numbeo, proposent leurs propres classements des villes dangereuses, chacun avec ses critères et ses angles.

Pour mesurer cette dangerosité, plusieurs indicateurs sont mobilisés :

  • Taux d’infractions pour 1 000 habitants
  • Indices de criminalité
  • Ressenti d’insécurité auprès des habitants

Les chiffres officiels occultent une part significative des délits non signalés. Ils oublient parfois l’impact des variations de population, selon les saisons ou l’afflux touristique. Certaines méthodes laissent de côté des infractions majeures, à l’image des trafics de stupéfiants ou des escroqueries. Pour affiner la compréhension, les enquêtes de victimation, comme celles menées par Renée Zauberman à l’Observatoire scientifique sur le crime et la justice, donnent la parole aux habitants sur leur expérience concrète de la délinquance.

Le ressenti des citadins joue un rôle clé dans la réputation d’une ville. Certaines municipalités, érigées en emblèmes de l’insécurité, cristallisent l’attention médiatique, tandis que d’autres, avec des taux similaires, restent dans l’ombre. L’insécurité ne se vit jamais de façon homogène : les quartiers populaires affichent des chiffres plus élevés, alors que les crimes les plus graves, homicides ou agressions physiques, restent extrêmement rares à l’échelle de la population.

Les classements varient selon les sources. Qu’il s’agisse de Ville-Data, Numbeo ou des bases officielles, le périmètre et les catégories d’actes diffèrent. Cette diversité rend toute hiérarchie mouvante. C’est entre la statistique, le vécu et les choix politiques que la question se noue.

Quels critères influencent la perception de l’insécurité urbaine ?

La perception de l’insécurité ne se réduit jamais à une addition de chiffres. Un sondage Odoxa réalisé en 2020 révélait que 68 % des Français déclaraient se sentir en insécurité. Un pourcentage élevé, qui masque pourtant la variété des situations. Marcher dans un quartier populaire le soir ou traverser un centre-ville animé en journée : selon les rues, le sentiment de vulnérabilité change du tout au tout.

Voici les facteurs qui alimentent ce ressenti :

  • Visibilité des incivilités et actes délictueux dans l’espace public
  • Médiatisation répétée des faits divers
  • Rapport quotidien entre les habitants et leur environnement urbain

Les enquêtes de victimation de Renée Zauberman et son équipe apportent un éclairage supplémentaire. Elles mettent à jour l’écart entre ce que vivent les habitants et ce que consignent police ou gendarmerie. Une altercation verbale, un vol à la tire, une agression furtive dans les transports : ces épisodes, souvent passés sous silence, marquent durablement la mémoire collective.

La géographie intra-urbaine a son importance. Certains secteurs concentrent la délinquance, d’autres semblent épargnés. Les femmes, notamment, redoublent d’attention lors de leurs déplacements, preuve que la sécurité se décline différemment selon les profils. À Bordeaux, le développement de la plainte en ligne fait émerger de nouveaux types de délits dans les statistiques, modifiant la perception de la sécurité urbaine dans l’opinion publique.

L’attractivité d’une ville, la vitalité de sa vie nocturne ou la diversité de ses quartiers viennent encore nuancer l’analyse. Ce n’est souvent qu’en observant l’évolution du sentiment d’insécurité sur plusieurs années, et non dans les comparaisons d’une année sur l’autre, qu’on peut comprendre la réalité du terrain, une idée régulièrement défendue par Renée Zauberman.

Focus sur les villes les plus citées : entre chiffres et ressentis

Depuis deux ans, Bordeaux occupe la tête du classement des villes les plus dangereuses de France selon Ville-Data et de nombreux observateurs. Avec 25 220 crimes et délits pour 265 328 habitants en 2024, la ville enregistre 95 infractions pour 1 000 résidents. Cette concentration d’actes s’explique notamment par la hausse des vols à la tire (+8 %) et des vols à la roulotte (+13 %). Mais derrière ces statistiques, la réalité se morcelle : certains quartiers vivent sous tension, d’autres semblent à l’écart.

Marseille retient surtout l’attention à cause des règlements de comptes liés au trafic de drogue. Ici, la violence prend une tournure spectaculaire, entre faits divers et impression de criminalité hors norme. Grenoble et Lille complètent le podium, la première pour ses cambriolages et incivilités, la seconde pour le nombre de vols de véhicules et une insécurité plus diffuse. Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, concentre à son tour les inquiétudes, entre précarité et trafics.

La carte du risque ne cesse de bouger. Paris, longtemps en tête du classement, occupe désormais la sixième place. Nantes, qui figurait parmi les villes les plus surveillées en 2022, tombe à la 52e position en 2025. Cette évolution rapide montre combien la cartographie de la délinquance dépend de facteurs multiples : attractivité touristique, changements méthodologiques ou variations saisonnières.

Pour donner un aperçu des écarts entre les villes, voici quelques points marquants :

  • Bordeaux : 95 infractions pour 1 000 habitants
  • Marseille : violences alimentées par le trafic
  • Grenoble, Lille, Saint-Denis : cambriolages, vols et précarité
  • Paris, Nantes : des classements qui varient selon les années

Garder la distance face aux chiffres s’impose. Les méthodes de classement diffèrent, certaines omettent des types de délits, d’autres ignorent les variations de population. Mais au final, pour ceux qui vivent la ville, c’est le quotidien qui façonne vraiment la perception du risque, bien plus que les colonnes de statistiques.

ville dangereuse

Comparer pour mieux comprendre : la sécurité urbaine, une réalité plurielle

Les palmarès des villes les plus dangereuses de France reposent sur des critères très diversifiés. Ville-Data, par exemple, croise pas moins de dix indicateurs pour établir ses listes :

  • Coups et blessures
  • Violences sexuelles
  • Cambriolages
  • Vols de véhicules
  • Dégradations

Numbeo, de son côté, met en avant des indices de criminalité fondés sur les avis d’utilisateurs et de résidents. Le ministère de l’Intérieur publie ses propres statistiques de la délinquance, alimentées par la police et la gendarmerie. Pourtant, ces chiffres ne suffisent pas à cerner la complexité du terrain.

La réalité urbaine ne rentre dans aucune case. Certaines villes voient leur classement évoluer très vite, entre croissance démographique, afflux de touristes ou centralisation de services. Nantes, par exemple, a glissé de la première à la 52e place en trois ans, de quoi remettre en cause la pertinence des comparaisons d’une année à l’autre. Les taux de criminalité varient fortement selon qu’on observe la commune elle-même, son agglomération ou l’ensemble de l’aire urbaine.

Le sentiment d’insécurité se construit aussi localement, quartier par quartier. Les enquêtes de victimation, menées par des instituts indépendants et des chercheurs comme Renée Zauberman, apportent un complément aux bases de données administratives. Les crimes les plus graves, homicides ou violences physiques, restent rares à l’échelle du pays. Les politiques publiques, des contrats locaux de sécurité aux programmes de rénovation urbaine, cherchent à répondre aux besoins spécifiques de chaque secteur.

Pour mieux comprendre le débat, quelques repères s’imposent :

  • 366 villes françaises de plus de 22 500 habitants passées au crible
  • Indice de criminalité en France : 53 % selon Numbeo
  • Actions locales, diversité sociale, implication des pouvoirs publics : autant de pistes pour transformer le quotidien

La sécurité urbaine ne se laisse jamais réduire à une hiérarchie figée. Entre données, perceptions et expériences vécues, elle dessine un paysage mouvant, loin des clichés. Demain, une autre ville occupera sûrement le devant de la scène. Le titre de “ville la plus dangereuse” n’est qu’une photographie parmi tant d’autres, jamais une fatalité.